La France qui a faim – Le don à l’épreuve des violences alimentaires – Bénédicte Bonzi
Bénédicte Bonzi est anthropologue. Elle a réalisé sa thèse sur les violences alimentaires et a passé plusieurs années à arpenter le terrain auprès des bénévoles des RESTOS DU CŒUR.
Elle révèle comment le travail de cette association, à l’origine issue d’un élan de générosité porté par Coluche et se voulant exceptionnel, est devenu non seulement pérenne mais depuis, notamment la LOI GAROT (11/02/2016), instrumentalisé par les lobbies de l’industrie agro-alimentaire.
En effet, cette loi, en souhaitant lutter contre le gaspillage alimentaire, permet aux grandes industries de la distribution alimentaire (GMS) de défiscaliser leur surplus. Ce faisant, le don n’en est plus un et devient une source de profit ; laissant par ailleurs toute la responsabilité de la chaine alimentaire (chaine du froid, produits périmés, transformation) aux associations qui de plus se trouvent en concurrence pour avoir accès à ces surplus !
En inscrivant sa pensée dans une réflexion solide, référence aux grands scientifiques, Marcel Mauss, Alain Caillé et le québécois Jacques T. Godbout, mais aussi dans une pratique de terrain, en participant aux maraudes des Restos du Cœur et en témoignant du quotidien des bénévoles et des usagers de l’aide alimentaire, les propos de Bénédicte Bonzi apparaissent d’autant plus clairs et limpides.
Au-delà de la critique de ce qu’est devenue l’aide alimentaire dans notre pays et de la révélation de la violence de nos gouvernements refusant de considérer le DROIT À L’ALIMENTATION de chaque citoyen (résolution 2200A (XXI) de l’Assemblée générale des Nations unies), Bénédicte Bonzi propose de porter un regard sur une des solutions qui pourrait largement permettre d’en finir avec ces violences alimentaires : la SÉCURITÉ SOCIALE DE L’ALIMENTATION (SSA) développé par un collectif de citoyens et qui commence à être expérimenté dans notre pays.
Enfin, il convient de préciser – et c’est tout le travail que Bénédicte Bonzi accompli depuis plusieurs années – combien ce problème de l’accès à l’alimentation, aujourd’hui bafoué, est intimement lié au malaise agricole qui éclate à épisode régulier depuis quelques années. En démontrant que ceux qui tirent bénéfice de l’aide alimentaire, les industries de l’agro-alimentaire, ont aussi façonné le monde agricole pour leur propre profit, au détriment des agriculteurs. Et que chez ces derniers, dans les luttes paysannes récentes nombre d’entre eux (présents par ailleurs dans le collectif SSA) proposent des solutions pour défendre et valoriser leur métier de paysans et une autre façon de produire notre alimentation (circuits courts, libéré des machines, pesticides et OGM).
Une lecture nourrissante et motivante.
Jean-François Baudin, bibliothèque départementale - mai 2024